Mission Maaden | Décembre 2021
Décembre 2018
Nous arrivions à Maaden avec Pierre Rabhi, Maurice Freund et une délégation de journalistes, économistes, ingénieur en génie civil, directrice de crèches, chirurgien retraité infirmière , architecte , biologiste spécialiste en oasis et notre ingénieur agronome référent .
Tout ce petit monde invité par Maurice s’était retrouvé pour une fabuleuse semaine durant laquelle les divers échanges ont permis d’une part de nous mieux connaître mais aussi de définir nos objectifs communs avec les compétences et expertises de chacun …
Décembre 2021
Pratiquement jour pour jour , nous voici à la descente du 4×4, accueillis par les YOUYOUS des femmes, des pancartes en main avec les inscriptions ; Fonds de Dotation de Pierre Rabhi et KIBOUJ… ( association basée à Saumur et créée en 2007 à la suite d’un voyage au Niger)
KIBOUJ…KESACO ???
Une association crée en 2007 à la suite d’un voyage au Niger, basée à Saumur qui est intervenue à dans ce pays mais aussi à Madagascar et au Niger autant dire des gens de terrain et aguerris. Comment ne pas ressentir un pincement au cœur lors de notre arrivée qui n’était pas sans rappeler cette légendaire semaine passée avec Pierre Rabhi et Maurice Freund ?
Hommage à Pierre Rabhi
Houdy, notre ingénieur agronome référent sur place et interlocuteur privilégié ( président du comité d’accueil du village ) est là comme toujours pour nous souhaiter la bienvenue et nous renouveler sa joie et reconnaissance. Il nous accompagnera durant ces 2 jours avec une bienveillance appréciable .
De façon totalement imprévue pour nous, une petite cérémonie a été organisée.
Nous sommes rapidement conduits près d’un trou creusé pour recevoir un arbre de façon symbolique en hommage à Pierre .
Un moringa vigoureux (arbre choisi intentionnellement puisque Pierre l’affectionnait particulièrement) va être planté et 3 autres au cours de ces 2 jours viendront se rajouter aux 4 coins de la place du village , endroit symbolique car elle se trouve devant la maison des hôtes (où par tradition et selon les vœux du cheikh) tout voyageur est reçu selon les valeurs de partage propres à Maaden.
Pour cette courte mission, notre équipe sera étoffée par la présence de KIBOUJ avec entre autres, sa présidente actuelle Dominique , un médecin généraliste et sa femme pédicure (tous deux retraités) une architecte .., un ancien habitant d’Atar, Georges, ainsi qu’un couple d’agriculteur, et boulangers Christophe et Lili.
C’est sur le plan sanitaire et éducatif que cette association intervient principalement …mais notre couple Alsacien fera aussi sa part de colibris ..mais nous en reparlerons plus loin…
En outre, la journaliste MARIA MALAGARDIS , spécialiste de l’AFRIQUE pour le compte du quotidien Libération a tenu à faire partie de notre groupe afin de mieux connaitre le sens de notre projet. Suite à son séjour à Maaden, vous pouvez retrouver son article publié sur le journal Libération datant du 7 mars 2022 « Monde solidaire : l’extrême urgence – En Mauritanie, une oasis d’égalité et de partage ».
Nous allons devoir condenser notre programme sur un délai très court (2 jours) et l’élaboration d’un planning se révèle indispensable pour mener à bien notre intervention.
Le dispensaire médical
Le lendemain matin de notre arrivée, une petite cérémonie d’inauguration des travaux effectués au dispensaire se tient devant le local concerné. Cette cérémonie se fera en présence de l’hygiéniste, l’infirmière, la sage- femme et l’infirmier Mohamed Bou ainsi que l’adjointe au maire du village
Ces travaux financés par KIBOUJ ont porté sur l’amélioration de l’étanchéité du local avec remplacement des portes et fenêtres (munies de moustiquaires), équipement en énergie solaire, adduction d’eau, reprise des circuits électriques .
Il faut savoir que lors de notre toute première visite du village, nous avions constaté que les accouchements se faisaient à la lumière de la lampe d’un téléphone portable, que les fenêtres laissaient passer allègrement le sable…
Trois enfantements par mois auraient lieu sachant qu’auparavant faute de structure adaptée le travail se faisait à la maison. Le suivi des nourrissons est assuré jusqu’à l’âge de 4 mois .
Le dispensaire est véritablement devenu un modèle par rapport aux villages voisins et nos amis n’en sont pas peu fiers !!!!
Nous nous dirigeons ensuite vers le nouveau dispensaire construit par une ONG espagnole. Bâtiment neuf qui pourra servir d’hôpital dans le cas où des soins plus importants se révèlent nécessaires. 5 salles de consultation, des lavabos, douches mais aucun contact n’est établi avec cette ONG et de fait ce flambant hôpital se révèle être une coquille vide !
Locaux neufs mais aucun professionnel de santé pour l’investir, quel paradoxe !
Le but à long terme serait de motiver des médecins Mauritaniens de venir s’installer dans la zone de manière durable.
A ce propos, nous aurons l’occasion de rencontrer à l’hôpital de Chinguetti une chirurgienne américaine qui voudrait œuvrer dans ce sens. Affaire à suivre.
La scolarité
Notre tournée se poursuit avec la visite des différentes écoles.
A Maaden, nous retrouvons un jardin d’enfants (25 enfants de 3 à 5 ans), un collège avec ses 4 classes (une par niveau) et une école primaire se déclinant en 4 niveaux également.
Le collège fera l’objet de notre prochaine visite .
Une distribution de maillots de foot et de ballons vont particulièrement intéresser les jeunes joueurs
Yatara, le directeur nous fait visiter avec fierté les classes où l’on enseigne les langues arabes, françaises et anglaises. Les matières dites scientifiques (maths, physique, chimie) se font en français. L’instruction civique, l’histoire et géographie en arabe. L’instruction islamique n’est pas obligatoire mais vivement encouragée !!!!
Pour la classe de première année (équivalent de la 6ème chez nous) pas de bureaux. Les enfants étudient debout.
En 2ème année 12 élèves se partagent la salle et en 3ème année : 11 élèves inscrits.
La plupart sont motivés, les filles arrêtent plus tôt car la poursuite des études en lycée se fera soit sur Aoujeft, Atar, ou même plus loin à Zouérate (la cité minière au nord du pays).
L’éloignement de leur famille aura raison la plupart du temps de leur accession au lycée.
Petite statistique évoquée par le chef de l’établissement :
> « Sur 11 candidats (le plus jeune a 13 ans) en 4ème année , 5 seront admis et 6 partiront travailler comme bagagistes, chauffeurs… »
Une jeune fille interrogée déclare vouloir être médecin, un autre ingénieur en génie civil. Le « VIVRE AILLEURS « fait l’unanimité.
En 2015, de nouvelles familles se sont installées au village. Houdy a été le 1er à bénéficier d’une formation universitaire .
Nos pas nous conduisent ensuite à l’école primaire qui se compose également de 4 niveaux avec une répartition de 3 instituteurs. 34 élèves environ par niveau. A l’issue de la 4ème année de primaire, un certificat garantissant le passage au collège est prévu. Au début de sa création par le cheikh en 1975, le village ne comptait qu’une seule école dans cette oasis.
La population de MAADEN s’élevait à la base à 800 habitants (Medinet Rahma, une extension comprise). Désormais elle a atteint 1400 âmes.
Durant la période de la GUETNA (fête de la datte fin août) celle-ci peut atteindre 3500.
Les améliorations à venir sont le remplacement du toit de l’ensemble des bâtiments qui est actuellement en tôle ondulée (ce qui rend insupportable la température élevée durant les fortes chaleurs) par un recouvrement de palmes tressées, tissus et ciment qui maintiendront une relative fraîcheur. Une cantine est également à prévoir (la nourriture est fournie par les villageois).
Le Mausolée du Cheikh
Notre programme se poursuivra par la visite du mausolée dédié au cheikh et qui a été financé par les fidèles et même des dons extérieurs .
Le cheikh MOHAMED LEMINE SIDINA (fondateur du village en 1975 et décédé en 2003) a longtemps entretenu une correspondance avec le pape, ce qui dénotait indéniablement une ouverture d’esprit envers les autres religions mais aussi un sens démocratique avec un mélange d’ethnies que nous pouvons encore constater à l’heure actuelle au village .
Il a effectué le partage des jardins avec ses fidèles et développé la notion d’équité .
La Coopérative de femmes
Houdy nous guide ensuite vers la coopérative de femmes enfin les coopératives de femmes car elles sont plurielles tout en étant dirigé par Fatimatou, la responsable. La location de la machine à broyer le henné est gérée par un contrôleur et un responsable de la maintenance (Djibril, un des référents sur place et gendre du cheikh).
Cette structure chapeautée par Fatimatou, elle apporte des revenus complémentaires avec la vente sur les marchés de ce produit qualifié de meilleur de l’Adrar (testé et approuvé) et qui de plus se cultive toute l’année.
Les confitures de bissap (fleurs d’hibiscus) et de dattes constituent un des piliers de l’économie à Maaden. Tout ce matériel nécessaire à la production a été financé par le Fonds Dotation de Pierre Rabhi.
Dans la mesure où le tourisme se développerait durablement en Mauritanie, Maaden pourrait faire l’objet de circuits qui permettrait une vente élargie des produits sus nommés.
Les femmes assurent en partie la durabilité du projet.
Ce jour là, nous recevons la visite du Général Marc Foucault et de sa femme Brigitte. Le Général (ami de Maurice) s’était révélé déterminant dans le changement de couleur de la carte touristique établie par le Ministère des Affaires Etrangères françaises. Cette carte a pour but de déterminer le degré de sécurité sur chaque zone de chaque pays afin d’en informer les voyageurs. Grâce au Général, l’Adrar mauritanien est passé du rouge à orange puis au jaune depuis 2017.
Il se montre très intéressé par ce projet « qui a du sens » selon ses propres termes. Sa présence à nos côtés va se révéler une fois de plus essentielle de par ses nombreux appuis gouvernementaux à Nouakchott.
Les semences anciennes
Avec la venue de Christophe et Lili, agriculteurs et boulangers en Alsace, des expériences de culture de blé (3 espèces traditionnelles de graines anciennes ont été apportées) ainsi que de maïs (variété mexicaine ) sont menées . Ces tests et l’éventuelle rentabilité de ces graines vont vraisemblablement porter sur 5 à 6 ans .
Il convient de trouver la ou les graines les plus adaptées et appropriées au sol désertique. La culture de l’orge (céréale déjà cultivée à Maaden avec le millet) et du blé sont assez similaires et cela laisse présager de bons résultats .
Ces essais seront menés par 3 agriculteurs sur place dont Djibril qui en est le responsable principal. La période est optimale pour la plantation et par conséquent, les graines sont plantées sur le champ.
Seule inquiétude, la salinité des sols, mais il se trouve que les variétés fournies la supportent assez bien.
Les betteraves et les palmiers supportent également bien cette salinité et les matières organiques diminuent cette salinité alors que les engrais l’augmentent d’où la pertinence de leur emploi .
Le compost & autres visites
A ce propos, nous pouvons constater que le compost est très utilisé et maîtrisé au village et Pierre aurait été très satisfait de ce bon usage naturel de fertilisation si chère à son cœur .
Lili, notre boulangère Alsacienne va rendre visite à la boulangère du village qui a reçu une formation auprès d’un professionnel marocain. Son échoppe très réduite est munie d’un très petit four. Une extension sera à pourvoir dans l’avenir.
Ultime visite de notre séjour : les écoles de Medinet Rahma situées à quelques kilomètres du village de Maaden. Comme Houdy nous l’a expliqué, cette commune a été édifiée grâce aux dons de terrains du Cheikh . Sa population est constituée de nomades sédentarisés .
La particularité de Medinet est que les 2 classes d’école ont été construites par les villageois. Un seul enseignant pour 2 classes !
Ce dernier vient de ROSSO (ville frontière avec le Sénégal) où il a enseigné durant 14 ans.
KIBOUJ est en train de financer la construction d’une classe supplémentaire, 2 latrines, 2 douches et un terrain de foot. Le changement des portes et fenêtres est au programme également .
Quant au forage en cours, en vue de la construction d’un puits, il est pris en charge par le Fonds de Dotation de Pierre Rabhi. Pour l’exhaure de l’eau il faut creuser à 900 mètres (la profondeur de creusement avait été sous -évaluée). L’appareil de forage travaille d’ores et déjà sur le terrain .
Un séjour un peu éclair mais riche de partages , où chaque acteur a pu redéfinir sa place au sein de notre équipe hyper motivée et solidaire (en France et Mauritanie).
Sur du plus long terme, et avec l’appui d’organismes comme l’AFP (peut être), la réfection de la dernière portion de la route qui conduit à Maaden serait envisageable, sachant que depuis le début de notre partenariat, cela demeure une priorité pour les habitants du village très enclavé.
En effet, cette réalisation très onéreuse ne saurait être uniquement supportée financièrement par Point-Afrique et le Fonds de Dotation de Pierre Rabhi. Aucun de nous ne perd à l’esprit qu’un futur centre de formation à l’agro-écologie de type Gorom-Gorom verra le jour selon les vœux de notre petit colibri.
Au fil du temps, des liens très forts se sont tissés avec nos amis Mauritaniens et les villageois de Maaden.
Par le hublot, avant que les roues de l’avion ne touchent le tarmac de l’aéroport d’Atar, j’anticipe la joie de retrouver cette 2ème famille de cœur. Une fois, les formalités de visa et de police effectuées, nos hommes papillons vêtus de leurs boubous bleus nous tendent leurs bras et c’est toute leur chaleur humaine qui m’enveloppe à chaque fois .
Après quelques jours passés au festival des villes anciennes à Ouadane, nous prenions la route direction Maaden. Au bout d’un océan de pierres, tel un phare tout au bout de l’horizon, j’attends avec impatience que se profile l’antenne, sentinelle du village et signe que le village va se dévoiler au bout du plateau … Je sais alors, que ce port d’attache qui se rapproche me prépare aux retrouvailles .
Demain, dans les mois et les années à venir, le village va évoluer vers un mieux être et une amélioration de leurs conditions de vie, de travail et nous espérons qu’il devienne ce village pilote et modèle en agroécologie pour eux et les villages avoisinants .
MAIS CECI EST DEJA UNE AUTRE HISTOIRE …
Françoise Rual – Coordinatrice projet Maaden