L'itinéraire des mythiques caravanes chamelières, le Tagant et l'Hodh el Chargui abritent des paysages majestueux où les traces du passé luxuriant se sont effacées sous l'avancée inexorable du désert et de sa rudesse.
Jusqu’à Tidjikja
Malgré un parcours assez chaotique depuis Atar en passant par les Monts Zarga et le cirque d’Aouelloul, la récompense est largement à la hauteur du supplice avec la découverte de la Guelta de Taoujafet.
Taoujafet marque un accident, une rupture dans le lit de l’oued. Au fil des temps, les eaux ont creusé une étroite gorge créant ainsi une guelta permanente, paradis pour les cultivateurs comme pour le bétail. Un décor digne d’un mirage, la Guelta de Taoujafet est une escale rafraîchissante, enchevêtrée dans son arc de grès rose, où les vents habillent à chaque souffle la paroi d’un délicat rideau ensablé.
Insérée dans un cadre remarquable, la ville de Rachid se distingue par sa construction sur un promontoire rocheux qui domine l’oued où une palmeraie dense et touffue borde les rives.
En face de la nouvelle ville, sur le plateau gréseux, l’ancienne cité se dresse rappelant étrangement celle de Ouadane. Douceur et sérénité sont les maîtres mots pour décrire Rachid, les regards se font discrets mais les portes sont toujours ouvertes pour assurer un accueil amical. Du Ksar El Barka, le point de vue sur Rachid est renversant avec la nouvelle ville en premier plan et ses maisons solidement agrippées aux rochers puis les batha et les palmeraies pour finir sur les ruines de l’ancienne cité.
La tribu des Sanhajâ avait la réputation de maîtriser d'une main de maître toute la logistique des caravanes chamelières grâce à leur parfaite connaissance du désert. Les Sanhâja assuraient ainsi les échanges de l'or et du sel en provenance du sud de l'Afrique de l'ouest (Bouré et Bambouk) et des salines de Mauritanie (F'Dérick) et du Mali (Taghâza). 4 à 9 tonnes d'or furent exportées vers le nord, à travers le Sahara entre le 12è et le 16è siècle.
Tidjikja, capitale régionale du Tagant et importante ville commerciale et administrative de Mauritanie. Ici, on retrouve plus de 5000 manuscrits abordant des sujets divers touchant à la jurisprudence islamique, la médecine, les sciences sociales, la grammaire arabe, la poésie, l’ésotérique et l’astrologie.
A Tidjikja, le palmier-dattier est roi ! Toutes les variétés de dattes existantes en Mauritanie sont réunies dans l’immense palmeraie de la wilaya. Une soixantaine de variétés de palmiers se côtoient et se croisent grâce au savoir-faire ancestral de ses cultivateurs oasiens aux doigts d’or !
Le Festival des dattes de Tidjikja est l’occasion unique de vivre une guetna légendaire avec ses soirées folkloriques ponctuées de jeux traditionnels et d’improvisations poétiques de la part des conteurs locaux.
Tagant
Les paysages du Tagant sont une alternance entre les vastes espaces vallonnés et les éruptions rocheuses étrangement sculptées par l’érosion. Terreau de créativité pour celui qui aime laisser son esprit aller à la paréidolie ou l’art d’associer une forme à un animal ou un visage.
Constituée d’un plateau au nord dont l’escarpement rocheux (bordure du plateau) divise la région du Tagant d’ouest en est pour laisser les vagues de sable de l’erg Aouker se fracasser contre les parois rocheuses, le Tagant se pare de couleurs variées et changeantes selon les moments de la journée.
Lekhcheg et sa galerie de monolithes craquelés ou striés se dresse à une centaine de kilomètres de Tidjikja. Les roches présentent des inclusions de grenat ou des fils ivoirins; au sol, on retrouve des tessons et du matériel néolithique.
Après la découverte du champ de monolithes, le village de Tamchekett réserve une surprise de taille avec ses champs de mil, haricots et maïs ! Mirage au milieu du désert, ce petit village de cultivateurs bénéficie du ruissellement du dhar. Sa couverture végétale contraste avec l’océan de sable environnant.
En longeant la gorge de Boudreiss, étroit et profond ravin, le flot de dunes de l’erg Aouker apparaît telle une barrière infranchissable. Ses sables s’enluminent de reflets rouges à blancs/jaunes selon les aires et la lumière du soleil.
Le ramassage de l'Amersâl a lieu pendant la saison sèche, à raison d'une collecte par semaine les bonnes années de pluies. Fortement imbibées d'eau, les couches de terrain font remonter le sel à la surface. Ses cristaux se rassemblent pour former une croûte de sel que les femmes collectent à la surface du sol en tapotant avec un bâton ou un tesson de calebasse.
Tichitt
Foyer de culture saharienne, l’ancienne cité caravanière, bien que continuellement battue par les vents et victime des criquets, des sécheresses et des pluies torrentielles, Tichitt résiste dans cette région inhospitalière.
Le dernier épisode tragique (1999) a emporté de nombreux manuscrits séculaires en plus de la moitié des maisons. Mais Tichitt survit fièrement et mérite une escale prolongée pour profiter de sa magnifique mosquée et de son étonnant spectacle des femmes à la recherche de l’amersâl.
Vers Oualata
Le site Monod se trouve à quelques kilomètres de Tichitt, une fois le village d’Akreijit débusqué du fond de ses dunes. Les découvertes géologiques et archéologiques nous rappelle que le Dhar Tichitt abritait de nombreux villages (plus de 300) à l’époque où le désert était une vaste plaine verdoyante et giboyeuse, parsemée de lacs. Aujourd’hui les seuls des amas pierres encore présents ne se laissent décoder que par les archéologues alors que leur histoire mériterait d’être contée à tous.
Le site Monod procure cette satisfaction en re-créant l’espace du village de façon à matérialiser le dédale de ruelles, les enclos et meules à grains. L’outillage laissé volontairement sur place parfait cette dimension vivante du site où l’on peut encore se projeter à l’époque où le village existait.
Le Guelb de Touijnet atteste encore une fois de la scénographie oubliée de cette région avec ses larges plaques de diatomées (algues fossiles), preuves de la présence d’étendues d’eau.
A la limite de la région du Tagant avant de faire le grand saut au Hodh El Chargui, le rocher de Makhrouga s’élève et laisse rêveur n’importe quel amateur d’art minéral. Du « land art » sans intervention humaine.
Odette du Puigaudeau décrivait le rocher de Makhrouga très justement: « une sorte de cathédrale gothique sculptée par l’émeri du sable, les éclatements thermiques et le ruissellement des tornades« .
Le tassili d’Es Sba n’est plus très loin avec sa carrière de colonnades minérales où l’équilibre précaire de certaines œuvres laisse songeur.
La rivale de Tombouctou surgit des sables ocres, Oualata affiche une singularité omniprésente la plaçant aux antipodes des autres cités caravanières de Mauritanie. Les mœurs et les arts ont été profondément influencés par les relations extérieures, la maison oualatine est spacieuse et confortable avec ses tapis et cuivres marocains, ses couvertures soudanaises de coton et de laine et ses articles d’artisanat intransportables à dos de chameau. Les caractéristiques de la sédentarisation sont bien reconnaissables, ici la maison n’est pas une halte de passage mais bien un antre de villégiature de longue durée.
Les décorations murales de Oualata éveillent la curiosité des visiteurs de passage, chaque façade arbore élégamment des dessins de spirales, arabesques, formes géométriques qui s’enchevêtrent les unes dans les autres. L’intérieur des maisons est lui aussi une galerie d’art où le blanc des murs se pare de multiples volutes ocres.
La peinture est préparée en broyant de l'ocre brune, du charbon de bois, de la gomme et de la bouse de vache, le tout délayé en bouillie épaisse avec de l'eau.